S. f. (Morale) actions libres des hommes, naturelles ou acquises, bonnes ou mauvaises, susceptibles de règle et de direction.

Leur variété chez les divers peuples du monde dépend du climat, de la religion, des lais, du gouvernement, des besoins, de l'éducation, des manières et des exemples. A mesure que dans chaque nation une de ces causes agit avec plus de force, les autres lui cedent d'autant.

Pour justifier toutes ces vérités, il faudrait entrer dans des détails que les bornes de cet ouvrage ne sauraient nous permettre ; mais en jetant seulement les yeux sur les différentes formes du gouvernement de nos climats temperés, on devinerait assez juste par cette unique considération, les mœurs des citoyens. Ainsi, dans une république qui ne peut subsister que du commerce d'économie, la simplicité des mœurs, la tolérance en matière de religion, l'amour de la frugalité, l'épargne, l'esprit d'intérêt et d'avarice, devront nécessairement dominer. Dans une monarchie limitée, où chaque citoyen prend part à l'administration de l'état, la liberté y sera regardée comme un si grand bien, que toute guerre entreprise pour la soutenir, y passera pour un mal peu considérable ; les peuples de cette monarchie seront fiers, généreux, profonds dans les sciences et dans la politique, ne perdant jamais de vue leurs privilèges, pas même au milieu du loisir et de la débauche. Dans une riche monarchie absolue, où les femmes donnent le ton, l'honneur, l'ambition, la galanterie, le goût des plaisirs, la vanité, la mollesse, seront le caractère distinctif des sujets ; et comme ce gouvernement produit encore l'oisiveté, cette oisiveté corrompant les mœurs, fera naître à leur place la politesse des manières. Voyez MANIERES.

MOEURS, (Poétique) ce mot à l'égard de l'épopée, de la tragédie ou de la comédie, désigne le caractère, le génie, l'humeur des personnages qu'on fait parler. Ainsi, le terme de mœurs ne s'emploie point ici selon son usage commun. Par les mœurs d'un personnage qu'on introduit sur la scène, on entend le fonds, quel qu'il sait, de son génie, c'est-à-dire les inclinations bonnes ou mauvaises de sa part, qui doivent le constituer de telle sorte, que son caractère soit fixe, permanent, et qu'on entrevoye tout ce que la personne représentée est capable de faire, sans qu'elle puisse se détacher des premières inclinations par où elle s'est montrée d'abord : car l'égalité doit régner d'un bout à l'autre de la pièce. Il faut tout craindre d'Oreste dès la première scène d'Andromaque, jusqu'à n'être point étonné qu'il assassine Pyrrhus même aux pieds des autels. C'est, pour ainsi dire, ce dernier trait qui met le comble à la beauté de son caractère et à la perfection de ses mœurs.

Je ne sai de tout temps quelle injuste puissance

Laisse le crime en paix, et poursuit l'innocence.

De quelque part enfin que je jette les yeux,

Je ne vois que malheurs qui condamnent les dieux.

Méritons leur courroux, justifions leur haine,

Et que le fruit du crime en précède la peine.

Voilà les traits que Racine emploie pour peindre le caractère, le génie, les mœurs d'Oreste. Quelle conformité de ses sentiments, de ses idées intérieures avec les actions qu'il commettra ! Quelle façon ingénieuse de prévenir le spectateur sur ce qui doit arriver !

Aristote a raison de déclarer, qu'il faut que les mœurs soient marquées et bien exprimées ; j'ajoute encore qu'il faut qu'elles soient toujours convenables, c'est-à-dire conformes au rang, à l'état, au temps, au lieu, à l'âge, et au génie de celui qu'on représente sur la scène ; mais il y a beaucoup d'art à faire supérieurement ces sortes de peintures : et tout poète qui n'a pas bien étudié cette partie, ne réussira jamais.

Il y a une autre espèce de mœurs, qui doit régner dans tous les poèmes dramatiques, et qu'il faut s'attacher à bien caractériser : ce sont des mœurs nationales, car chaque peuple a son génie particulier. écoutez les conseils de Despreaux :

Des siècles, des pays, étudiez les mœurs ;

Les climats font souvent les diverses humeurs.

Gardez donc de donner, ainsi que dans Clélie,

L'air, ni l'esprit français à l'antique Italie ;

Et sous des noms romains faisant notre portrait,

Peindre Caton galant, et Brutus dameret.

Corneille a conservé précieusement les mœurs, ou le caractère propre des Romains ; il a même osé lui donner plus d'élévation et de dignité. Quelle magnificence de sentiments ne met-il point dans la bouche de Cornélie, lorsqu'il la place vis-à-vis de César ?

César, car le destin, que dans tes fers je brave,

Me fait ta prisonnière, et non pas ton esclave ;

Et tu ne prétends pas qu'il m'abatte le cœur,

Jusqu'à te rendre hommage, et te nommer seigneur.

De quelque rude coup qu'il m'ose avoir frappée,

Veuve du jeune Crasse, et du jeune Pompée,

Fille de Scipion, &, pour dire encore plus,

Romaine, mon courage est encore au-dessus.

La suite de son discours renchérit même sur ce qu'elle vient de dire ; et sa plainte est superbe :

César, de ta victoire, écoute moins le bruit ;

Elle n'est que l'effet du malheur qui me suit :

Je l'ai portée en dot chez Pompée et chez Crasse ;

Deux fois du monde entier j'ai causé la disgrace ;

Deux fais, de mon hymen le nœud mal-assorti

A chassé tous les dieux du plus juste parti :

Heureuse en mes malheurs, si ce triste hyménée,

Pour le bonheur de Rome, à César m'eut donnée,

Et si j'eusse avec moi, porté dans ta maison

D'un astre envenimé l'invincible poison !

Mais enfin, n'attends pas que j'abaisse ma haine ;

Je te l'ai déjà dit, César, je suis Romaine :

Et quoique ta captive, un cœur comme le mien,

De peur de s'oublier, ne te demande rien.

Ordonne, et sans vouloir qu'il tremble ou s'humilie,

Souviens-toi seulement que je suis Cornélie.

Le grand Corneille n'a pas essuyé sur cela les reproches que l'on fait à Racine, d'avoir francisé ses héros, si on peut parler ainsi. Enfin, on n'introduit point des mœurs comme des modes, et il n'est point permis de rapprocher les caractères, comme on peut faire le cérémonial et certaines bienséances. Achille, dans Iphigénie, ne doit point rougir de se trouver seul avec Clytemnestre.

Le terme de mœurs, veut donc être entendu fort différemment, et même il n'a trait en façon quelconque, à ce que nous appelons morale, quoiqu'en quelque sorte elle soit le véritable objet de la tragédie qui ne devrait, ce me semble, avoir d'autre but que d'attaquer les passions criminelles, et d'établir le goût de la vertu, d'où dépend le bonheur de la société. (D.J.)

MOEURS, (Jurisprudence) signifie quelquefois coutume et usage ; on connait par les formules de Marculphe quelles étaient les mœurs de son temps. Mœurs signifie aussi quelquefois conduite, comme quand on dit information de vie et mœurs. Voyez INFORMATION.

MOEURS ou MORS, (Géographie) petite ville, château, et comté d'Allemagne, au cercle de Westphalie, près du Rhin. Elle appartient au duc de Clèves et de Juliers, et est à 7 lieues N. O. de Dusseldorp, 5 S. E. de Gueldres. Long. 24. 15. lat. 51. 23. (D.J.)